lundi 24 mai 2010

Jour de lessive

Dans le style habituel de Frédéric Stehr, qui n’est autre que le créateur de Calinours et de Mariette et Soupir (les marmottes) , voici un album tout doux, tout mignon, tout tranquille pour les plus petits.

Pas de monstres, pas de vilain méchant, pas d’angoisse métaphysique, ni de rebondissements cruciaux. Simplement une petite fille au bord d’une rivière qui se déshabille et va laver ses vêtements, en compagnie de ratons laveurs (évidemment) et d’une grenouille. Quel plaisir, quel repos !



Jour de lessive, Frédéric Stehr, L’école des loisirs, 12,50€.


vendredi 21 mai 2010

Le tigre et le chat

Ce conte traditionnel explique comment le tigre, timide et poltron, est devenu le tigre qu’on connaît, chasseur redoutable et agile, grâce à l’aide du chat. Le récit d’une initiation dans lequel le chat est le maître et le tigre l’élève. Mais hélas, on y apprend aussi que les élèves sont parfois bien ingrats vis-à-vis de leur maître…

Les expressions et attitudes des animaux sont très réussies et très amusantes. Quant aux décors, ils sont exotiques comme il faut.



Le tigre et le chat, un album d’Eitaro Oshima, L’école des loisirs, 13,50€.


jeudi 20 mai 2010

Les petites filles top-modèles

Vanessa, 11 ans, enchaîne les séances photo pour un catalogue de vêtements. Bienvenue dans un monde de faux semblants, où les enfants sont mis en scène dans des postures ridicules, reflétant les archétypes les plus éculés du sexisme (petite fille regard aguicheur séduisant un garçon qui la mate par dessus ses lunettes de soleil).

Clémentine Beauvais, l’auteur, décrit habilement comment ces top-modèles en herbe, d’abord aux mains de leurs parents, passent ensuite dans celles de businesswomen cyniques, avant d’être jetées en pâture dans un milieu aux codes cruels et ravageurs. Il y a d’ailleurs au passage quelques portraits assez drôles de mannequins adultes totalement déglinguées. L’écriture est vive, la thématique et la couverture girly devraient emballer les gamines et pour une fois, celles-ci sortiront de leur lecture avec un peu plus de plomb dans la cervelle. Bien joué !


Les petites filles top-modèles, de Clémentine Beauvais, éd. Talents hauts, 7,90€.


mercredi 19 mai 2010

Gabriel Mouesca : non à la violence carcérale

La collection Ceux qui ont dit non propose des portraits d’hommes et de femmes qui se sont élevés contre leur condition, contre le cours de l’Histoire, contre l’inacceptable. Il y a déjà eu Simone Veil, Olympe de Gouges, ou Jean Jaurès, c’est à présent au tour de Gabriel Mouesca.

Après 17 ans passés en prison, ce militant n’a cessé de dénoncer les conditions de détention en milieu carcéral, inhumaines et soumises à l’arbitraire, avant de devenir président de l’Observatoire international des prisons. Un portrait percutant pour ouvrir les yeux sur un sujet trop rarement abordé.


Gabriel Mouesca : Non à la violence carcérale, de Caroline Glorion, Actes Sud junior, 7,80€.

mardi 18 mai 2010

Ce soir-là

Un court moment avec Benjamin, un court moment qui dure pourtant beaucoup trop longtemps pour ce petit gars-là. Il vit seul avec sa mère, dans un studio. Ça sent la misère, mais aussi l’attention donnée aux petites choses, le goût et le soin pour rendre la vie la moins dure possible malgré le manque d’argent.

Il attend, comme tous le soirs, sa mère qui rentre du travail. Il fait passer le temps. Les devoirs, le goûter, la visite du voisin étudiant qui vient vérifier que tout va bien. Mais ce soir-là, sa mère est en retard. L’inquiétude va se mêler à l’attente, puis la panique, l’angoisse…

Une évocation très simple et sans misérabilisme d’une situation de vie précaire à tous les niveaux.


Ce soir-là, de Agnès Lacor, éd. Thierry Magnier, 5€.

vendredi 7 mai 2010

Le tueur à la cravate

Marie-Aude Murail a dû s’infliger plein de Mary Higgins Clark pour écrire son dernier livre. Même pas impressionnée par les ficelles et autres recettes de cette best-selleuse au brushing impeccable, notre auteure jeunesse nationale signe donc, elle aussi, un thriller. Le livre a même failli s’appeler Thriller.com car il y est question d’Internet, de sites, de blogs et des nouveaux réseaux sociaux, comme on dit, tels que les sites de recherche d’anciens élèves, ou Facebook…
C’est ainsi que débute le roman : une gamine met en ligne sur perdu-de-vue.com une vieille photo de lycée de son père et de sa mère. Sans s’en douter, elle déclenche une tempête, qui va faire claquer les portes des placards et en faire sortir bien des cadavres…
Quand on parvient au bout de cette haletante intrigue pleine de rebondissements et d’entrelacs, Marie-Aude Murail nous offre un bonus : un journal de création, qui relate au jour le jour le travail préparatoire du roman. Comment naît un roman (ou pas) répond ainsi à cette question, à laquelle l’auteure est régulièrement sommée de répondre : « D’où ça vous vient, l’inspiration ? ». La gestation d’une histoire, le choix d’un univers, les mystères de l’inspiration, la recherche documentaire, la construction des personnages… autant de facettes du travail d’écriture et de la création qui sont ici évoquées en situation, de façon donc très concrète. On assiste aux premières pierres du roman en train d’être posées, alors même que l’auteure se demande encore si elle ne va pas plutôt écrire une histoire inspirée de la mythologie grecque… Un passionnant flash back qui éclaire le roman d’une nouvelle lumière.


Le tueur à la cravate, un roman de Marie-Aude Murail, dans la collection Medium de L’école des loisirs, 11,50€.

mardi 4 mai 2010

Fête du livre jeunesse de Villeurbanne


Si vous avez envie de faire la révolution, de lancer votre poing en l’air en criant « no pasaran ! », faites donc un crochet par Villeurbanne cette semaine. Vous y croiserez tout ce que la littérature jeunesse compte de dangereux activistes, de rebelles, de gens en colère, de protecteurs de sans-papier, de plumes acides et de mal embouchés… et aussi de joyeux drilles complètement dingues comme les Plonk et Replonk, espèce de collectif d’artistes espiègles aux création farfelues et photomontages très drôles…

RESISTER, c’est le thème de la fête du livre jeunesse de Villeurbanne. C’est du 5 au 9 mai. Et c’est à … Villeurbanne, pardi !

Et si vous habitez Biarritz, ou Bastia, et que vous hésitez encore un peu à traverser la France, lisez donc cette interview que m’a généreusement accordée Gérard Picot, le directeur et fondateur de cette fête… (interview publiée dans le non moins résistant magazine Témoignage Chrétien)

Passionné et enthousiaste, Gérard Picot est le fondateur de l’autoproclamée « géniale » Fête du livre jeunesse de Villeurbanne. Avec cette onzième édition, sur le thème Résister, il met en avant une littérature engagée, s’adressant à tous les âges, et la porte au cœur de la cité.

Vous précisez bien qu’il s’agit d’une « fête du livre » et non d’un salon…
GERARD PICOT : C’est tout sauf de l’événementiel. Cette fête est devenue incontournable dans le paysage associatif et scolaire de la ville. C’est le résultat d’un travail d’un an. Une centaine de projets sont organisés en amont, dans des structures classiques – écoles, lycées – mais aussi dans les maisons d’arrêt, les hôpitaux, auprès des non voyants, etc. C’est une spécificité toute villeurbannaise. Il y a vraiment une notion de fête. C’est une espèce de gâteau qu’on prépare pendant un an. Et le week-end on le mange tous ensemble !

Pourquoi ce thème, Résister ?
GERARD PICOT :
C’est un choix que j’ai fait suite à un partenariat avec l’Education nationale, sur le constat que cette vénérable institution était malmenée par le pouvoir en place. Par ailleurs, notre fête du livre est sensibilisée à tous les problèmes sociaux et nous privilégions les thèmes citoyens. Il y a deux ans, nous avons fait Et toi ton toit ? qui posait le problème des maisons d’arrêt, des expulsions et du logement. L’année prochaine, le thème sera : « Les filles et les garçons naissent égaux, certains plus que d’autres ».

Comment abordez-vous ce thème de la résistance ?
GERARD PICOT : On est parti de l’album Ita-Rose, de Rolande Causse et Gilles Rapaport [éd. Circonflexe, NDLR], qui parle de la déportation d’une famille juive pendant la guerre. Il se trouve que la maison d’Ita-Rose est à Villeurbanne. On a eu envie de partir des valeurs de la Résistance, la vraie, la pure, la dure, pour arriver aux valeurs de la résistance contemporaine. Des auteurs qui ont écrit sur le Rwanda sont invités. Il s’agit aussi tout simplement de la résistance au quotidien telle qu’elle apparaît dans le dernier album d’Alain Serres, illustré par Pef, Travailler moins pour lire plus [éd. Rue du Monde, NDLR]. On a aussi invité des auteurs qui parlent de la résistance au formatage, aux marques, au qu’en dira-t-on. Il est important pour moi qu’on puisse aussi parler de l’humour et de la dérision comme moyens de résister, en invitant les Plonk et Replonk. L’idée n’est pas que les 20 000 visiteurs repartent plombés, la tête basse, mais qu’ils repartent avec beaucoup d’émotion et d’interrogations aussi.

Lire et faire lire, n’est-ce pas déjà résister ?
GERARD PICOT : C’est ce que disait Pennac : « Ouvrir un livre tous les jours est un acte de résistance ». Il le disait déjà à une époque où l’écran n’était pas omniprésent.

Ça concerne aussi des enfants de 2 ans ?
GERARD PICOT
: Oui complètement ! On propose des albums pour des enfants de 2 ans jusqu’aux livres pour des grands adulescents de 23 ans. La notion de résistance, chez le petit, c’est résister au départ de sa maman la nuit quand on le couche, résister à avoir sa tétine. C’est une attitude. Y a pas d’âge pour résister ! Du Nutella à Nicolas, résistons !

Le salon du livre jeunesse de Montreuil a failli perdre une grosse partie de ses subventions. Les salons et fêtes du livre sont-ils tous menacés ?
GERARD PICOT
: Les fêtes du livre sont tout sauf indolores et sans saveur. C’est vrai qu’elles sont souvent en proie aux discussions. Elles sont fragiles.



La Fête du livre jeunesse de Villeurbanne, du 5 au 9 mai.
Tout le programme, expo, spectacles et auteurs ou illustrateurs invités sur le site :
http://www.fetedulivre.villeurbanne.fr/index.html