vendredi 27 février 2009

BREJNEV (4/4) : Les aventures de Djerik

J’ai gardé le meilleur pour le dessert. De tous, ce petit roman est en effet mon Super Préféré. L’auteur, Natalia Noussinova, y raconte son enfance à Moscou, à la fin des années 60, sous l’ère Brejnev.
Les appartements communautaires, Lénine, les sovkhozes, ou le magasin Goum… Tout le « folklore » de l’époque communiste y est ainsi décrit de l’intérieur, par le regard affûté et plein d’angélisme d’une gamine de dix ans. Elle nous dépeint une ambiance et des personnages tous plus attachants les uns que les autres, maladroits parfois, avec des caractères bien trempés, et des idées aussi fixes que loufoques… Outre l’arrivée d’un chien abandonné dans la famille de Natalia et de sa petite sœur Tania, l’histoire est parsemée d’épisodes croquignolesques, de canards parlant français, ou d’un père Noël saoul comme une barrique des plus cocasses… Ce livre déborde d’humour, de second degré et de tendresse.
On y trouve également, à la fin, un petit lexique aussi savoureux que le texte, qui revient entre autres sur des termes politiques, ou spécifiques à l’histoire russe (vieux Bolcheviks, révolution d’Octobre, pionniers, etc.)
Un roman très pédagogique, fin, plein de dérision et de mansuétude pour ces gens qui pensaient pouvoir imposer aux autres le bonheur sur terre…

Les aventures de Djerik, de Natalia Noussinova, L’école des loisirs, 9,50€. Conseillé (très vivement), à partir de 9 ans, jusque bien au-delà…

jeudi 26 février 2009

MAO (3/4) : Le piano rouge

Encore un album sous le signe symbolique du rouge et du noir (le premier qui parle de Jeanne Mas, je l’étripe) et qui entraîne son lecteur « un soir d’avril 1975, en Chine ». André Leblanc a recueilli puis réécrit le témoignage de Zhu Xiao-Mei, une pianiste virtuose, qui fut envoyée, comme toute sa famille trop instruite, dans un camp de rééducation pendant la révolution culturelle chinoise. « La révolution n’est pas un dîner de gala ! » avait prévenu Mao, et force est de constater que la jeune pianiste ne passa pas un séjour des plus cosy dans son camp. Mais la musique étant plus forte que tout, elle trouva le moyen de se faire envoyer un piano et de jouer tous les soirs en cachette. Jusqu’au jour où elle se fit prendre par des gardes, ma foi bien peu mélomanes…
Contrairement aux autres livres de cette sélection, le regard, ici est extérieur. Le point de vue est engagé, le propos orienté, le jugement arrêté. La langue se fait plus dure, les images cherchent l’efficacité. Reste que les illustrations de Barroux sont d’une rare beauté, charbonneuses, elles aussi, tourmentées, sombres et sobres.

Le piano rouge, écrit par André Leblanc, illustré de main de maître par Barroux, Le Sorbier, 18€.

mercredi 25 février 2009

MAO (2/4) : Mao et moi

Superbe évocation que cet album de Chen Jiang Hong sur son enfance, à la fin des années 1960, dans une grande ville du nord de la Chine.
L’ouvrage s’ouvre sur l’année 1966, date de la grande révolution culturelle menée par Mao, et retrace les dix années qui ont suivi, à travers le regard de l’enfant.
Alternant les images pleine page et les découpages façon BD, ce récit graphique se déroule dans une atmosphère charbonneuse, où les illustrations aux harmonies dominantes de gris et de noirs sont régulièrement rehaussées par le rouge communiste ou d’autres teintes vives et passagères.
Le ton narratif, neutre, ne se perd surtout pas en commentaires, mais il y perce parfois de l’ironie. L’auteur se rappelle ainsi la première phrase apprise à l’école : « Mao est notre étoile salvatrice » A plusieurs reprises, l’adulte d’aujourd’hui s’amuse à reprendre au pied de la lettre la propagande ingurgitée par l’enfant d’hier, et se souvient ainsi de « son cœur empli de fierté » lorsqu’il devint « Petit garde rouge du Parti communiste ».
La proximité avec l’enfant de cette époque, est source de beaucoup d’émotion. Les souvenirs du petit garçon qui voit son père partir en camp de rééducation, et qui, le soir, dans son lit, cherche sa silhouette dans les fissures du mur, sont bouleversants.
Au-delà de l’histoire, de la politique et de sa vie, Chen Jiang Hong nous parle de la mort d’un grand père, du chagrin inconsolable d’une grand-mère, d’une boîte de bonbons, d’un parfum perdu qu’on ne cesse jamais de chercher. En somme, de l’enfance, dans ce qu’elle a d'universel.


Mao et moi, de Chen Jian Hong, L'école des loisirs, 24,50€.

mardi 24 février 2009

FRANCO (1/4) : La place du leïko

A Grenade, dans les années 1960, Africa, 10 ans, est la fille d’un militaire franquiste. Enfant attachante, loufoque et très intelligente, elle se pose des milliards de questions et se nourrit avidement de la sagesse d’une tante. A coup de vérités, de petites phrases qui font mouche, à la manière des proverbes chinois, cette gamine va conquérir doucement le vieux cireur de chaussures qui travaille en bas de chez elle, un de ces hommes que la guerre civile espagnole a brisés.
Les deux êtres s’apprivoisent. La curiosité de l’enfant et la méfiance du vieillard font resurgir le poids du régime franquiste, les démons de la guerre, cette fausse paix que chacun porte alors encore en soi, à fleur de peau… Mais au contact de la vie qui bouillonne dans cette enfant, à l’évocation de sa famille excentrique, drôle, originale et chaleureuse, si pleine de fantaisie et d’amour, le vieux cireur de chaussures retrouve la confiance.
Un livre parfois un peu ardu à lire, décousu et lent à démarrer, mais plein d’humanité, d’intelligence et d’espoir en l’homme. On en sort touché, et pourquoi pas même légèrement différent, car il y a des choses particulièrement précieuses et essentielles à puiser dans ce roman.

La place du leïko, roman de Maria José Martinez, collection Médium de L’école des loisirs, 10€.

lundi 23 février 2009

Brejnev, Mao, Franco, et les autres…

Bon, allez, une petite thématique pour attaquer la semaine.

Au gré de mes lectures enfantines, mon regard bionique a détecté une … tendance !
(Une journaliste très au fait des « tendances » m’a un jour livré son secret pour les débusquer : quand on vous parle de quelque chose, la première fois, c’est une info. La deuxième, ça doit mettre la puce à l’oreille. La troisième, c’est sûr, c’est une tendance. Quant à la quatrième, c’est un mouvement de foule).
Donc, mon mouvement de foule à moi – qui, soit dit en passant, est beaucoup moins glamour que ma journaliste – est de nature politique. Il s’agit en effet de la présence simultanée sur les étales de vos libraires, d’ouvrages pour la jeunesse abordant la vie quotidienne sous quelques grands régimes totalitaires du XXème siècle. Des livres pour enfants, avec en guest star : Lénine, Brejnev, Mao, Franco… Rien que du lourd, quoi !
Communisme, franquisme, révolution culturelle chinoise : riant programme, me direz-vous… Et vous n’aurez pas complètement tort, puisque, entre autre chose, on rit pas mal à lecture de certains de ces ouvrages.
S’ils sont très différents, dans la forme notamment, puisqu’il s’agit aussi bien d’albums illustrés que de romans, ces livres ont en commun un point de vue.
Ce sont en effet des regards de l’intérieur, des regards d’enfants, des récits de familles vues « d’en bas », avec des yeux tout neufs et pas mal écarquillés, il faut bien le dire.
Une vision bien moins manichéenne qu’à l’ordinaire, qui parvient à aborder des sujets graves, soit avec humour (Les aventures de Djerik), soit en prenant soin de montrer la complexité de ces régimes (la place du Leïko), et les enjeux individuels qui en découlèrent.
Des regards sans arrière pensée, sans prêt à penser, sans passé, d’enfants embringués malgré eux dans « la grande histoire ».

Puisque vous êtes sages (un peu trop d’ailleurs, ça manque de commentaires, tout ça !), je vais donc vous chroniquer un livre par jour, car en plus d’être « tendance », ces livres méritent vraiment le détour.
A découvrir donc prochainement sur ce blog :
La place du Leïko
Mao et moi
Le piano rouge
Les aventures de Djerik

dimanche 22 février 2009

Wallace et Gromit

Wallace l’inventeur et son chien à tout faire, Gromit, refont une petite sortie. Un DVD réunissant quatre courts-métrages paraît ces jours-ci. La plupart de ces aventures sont déjà des archi-classiques : c’est le cas d’Une grande excursion, de Rasé de près (Oscar 1993 du meilleur court-métrage d’animation) et d’Un mauvais pantalon (Oscar 1993 du meilleur court-métrage d’animation). Mais un inédit s’est glissé dans la programmation : Un sacré pétrin ! Une délicieuse affaire criminelle dans le milieu de la boulange. L’ambiance polar, la musique inquiétante, la naïveté distraite de Wallace et l’ingéniosité du chien sont toujours aussi délicieuses. Sans oublier naturellement trouvailles burlesques et inventions en tous genre, pâte à modeler et humour so british…

Wallace et Gromit, M6 Vidéo, 14,99€.

samedi 21 février 2009

l'abécédaire des amoureux

A présent que la Saint-Valentin est passée, on va enfin pouvoir parler… d’amour !
Pas du truc bidon imaginé par la fine équipe de concepteurs marketing de votre opérateur de téléphonie mobile, ni même de l’arnaque mentale vendue par une marque de fast food ou de fringues… Non, rien que du vrai amour, du naturel, sans OGM, sans colorant et autres conservateurs pas nets…
L’abécédaire des amoureux reprend en 26 lettres, 26 mots, et 26 courtes phrases, ce qui fait la nature, l’essence, ou parfois juste les à-côtés, de ce sentiment humain et étrange. Bisous, secret, oui !, petit mot, mélange… Autant de petites fenêtres ouvertes sur l’amour que se portent les hommes et les femmes, les enfants, les vieillards, les parents, les adolescents, etc.
Mes préférés :
Frisson / comme un glaçon qui réchauffe
Week-end / partir ensemble pour toujours, et revenir le lundi

Ventre / lieu magique où les histoires d’amour prennent vie
Ne manquez pas non plus, timidité, rendez-vous, zut!, et nus
Le texte comme les illustrations sont pleins d’images souriantes, joyeuses, graves, malicieuses, et garantis sans dégoulineries sentimentalo-faciles.
Une œuvre personnelle, sincère et touchante. Conseillée à toute personne en âge d’aimer (de 0 à 120 ans environ).

L’abécédaire des amoureux, de Sandra Poirot Cherif, Rue du Monde, 16€.

jeudi 12 février 2009

A l’ombre des pirates

Un petit garçon assiste à l’abordage d’un navire par son père, vieux pirate éclopé, autoritaire et sanguinaire. Très philosophe, le fils du pirate s’interroge avec lucidité sur les papas du monde entier, dont le sort l’inquiète beaucoup. « Je ne veux pas me dire, un jour lointain, que je ne suis qu’un asticot sur le pont d’un bateau. Et je ne veux pas non plus que les enfants de mes enfants voient ce que je vois en s’y habituant. » Mais plus inquiétant encore que le sort des papas du monde entier, il y a celui des hommes, des femmes et des enfants noirs, enfermés en fond de cale…
Dans la série « calmons un peu les fantasmes belliqueux de l’espèce (mâle) humaine », voilà un nouvel opus intéressant.

A l’ombre des pirates, de Boris Le Roy, illustré par Benjamin Adam, Actes Sud junior (collection Cadet), 6,50€.

mardi 10 février 2009

Poèmes de Chine


Aube printanière

Sommeil profond du printemps, le jour s’est déjà levé.
Les oiseaux chantent de tous côtés.
Pendant la nuit, le bruit du vent et de la pluie n’a pas cessé.
Qui sait combien de fleurs ont pu tomber ?

Poème chinois de Meng Haoran, écrit il y a plus de mille ans.


Eh oui, je suis d’humeur bucolique aujourd’hui… Faut dire qu’un peu de délicatesse dans ce monde de crotte ne devrait faire de mal à personne. Donc, pour adoucir nos cerveaux à tous, je vous propose un peu de poésie. Il y en a plein d’autres comme ça dans Poèmes de Chine, des poèmes simplissimes, des évocations de nature, des scènes et des paysages qui symbolisent les sentiments humains. Le livre lui-même est un joli petit objet plein de grâce.
Surtout n’hésitez pas à le subtiliser à votre enfant, car cette poésie vieille de plus de mille ans n’a pas d’âge.

Poèmes de Chine, de Guillaume Olive et He Zhihong, Seuil, 13,50€.

lundi 9 février 2009

Lili la bagarre

Lili est une castagneuse. C’est bien simple, elle les éclate tous à la récré : pour un oui, pour un non, un mauvais regard, une phrase de travers… Son grand-père est un ancien coco qui a mangé sa carte. Lui, ce qui l’intéresse, c’est la politique. Mais la politique c’est dur à expliquer à une gamine de CM2. Pourtant, quand Aslan, le Tchétchène, le nouveau de la classe, risque de se faire expulser avec sa famille, Lili comprend qu’on peut se bagarrer autrement qu’en donnant des coups de poing.
Le style est vif, les dialogues et les réflexions argotiques de cette dure à cuire sont cocasses. Le personnage principal est attachant. Ou comment aborder intelligemment, avec humour et simplicité, les thèmes de la violence, de l’engagement, et de la politique, avec des enfants.
Un roman plein de pêche, parfois dans la figure, qui dépote !

Lili la bagarre, de Rachel Corenblit, éditions du Rouergue, collection ZigZag, 6,50€.

vendredi 6 février 2009

La balle fantôme

Si vous aussi, vous avez donné vie à un être humain dépassant à peine un mètre de haut, mais néanmoins fermement décidé à exterminer l’humanité entière à coup de canon, bazooka, mitraillette, missile intergalactique, épée laser, épée tout court, pistolet, glaive, surin, arc, et autre fusil à pompe… ce roman est pour vous ! Que dis-je, ce roman est pour lui !
Malgré les kilomètres qui nous séparent, et cet écran entre nous, cher lecteur, je sens que quelque chose en vous se détend…
(NB : si vous êtes le géniteur d’une mini princesse rose à cœurs roses, c’est normal que vous ne ressentiez rien, cette chronique ne vous concerne pas. Revenez plutôt demain, ou après demain, pour lire mes prochains messages)
…Car, oui, je vous le confirme, vous n’êtes plus seuls face à ce fléau. Et nul doute que Jean-François Chabas a dû être confronté à ces mêmes affres de parents pacifiques.
Mais comme il est très malin, ce sympathique Jean-François, il a écrit La balle fantôme. Une histoire aux allures de western moderne, qui se déroule dans la poussière du Nouveau Mexique, et qui devrait d’emblée accrocher votre micro Rambo. L’affaire tourne en effet autour d’un Colt Single Action Army, calibre 45, the revolver de la mort qui tue (pour une fois, ce n’est pas qu'une expression). Le narrateur, un gamin de 10 ans, pique un jour ce mignon petit jouet à son père, pour impressionner la fille dont il est amoureux (la psychologie masculine est parfois comme les voies du Seigneur : insondable). Sauf que le gosse se fait piquer son arme par un fou dingue des plus inquiétants…
Je ne vous raconte pas la fin, mais sachez tout de même que pour le héros du livre, cette aventure fait office de médicament, car après ça, il ne touche plus jamais une seule arme de sa vie. Well done, isn’t it ?

La balle fantôme, de Jean-François Chabas, collection Neuf de L’Ecole des loisirs, 8€.

jeudi 5 février 2009

Les saisons

Il y a rien que du classique et du traditionnel dans ce disque : chansons, comptines, contes, etc. Et pourtant, il réserve plein de fabuleuses surprises.
Les chansons, les poèmes et les comptines alternent avec des contes et des jeux, tour à tour interprétés par des adultes ou des enfants. Cela donne un patchwork très réussi, varié, coloré, et parfaitement rythmé.
Une déambulation sonore à travers les quatre saisons de l’année qui rappellera à vos enfants qu’à l’automne, il pleut, il mouille, et que les feuilles mortes se ramassent à la pelle, tandis qu’en hiver on récite du Jacques Prévert et qu’au printemps on chante auprès de ma blonde. Et pour ne pas faire de jaloux, il y a aussi l’été et ses gentils coquelicots ou encore le standard international Un jour en colonie
Aaah, douces saisons de l’enfance… ! (soupir nostalgique)

Les saisons, par Jean-François Alexandre et Mathieu Le Nestour, Naïve, 23€.