samedi 1 novembre 2008

Moi et ma bouche

- On t’a jamais appris que ça ne se fait pas de se citer en premier ?
- Hein ?
- Bah oui, on ne dit pas "Moi et ma bouche", on dit "Ma bouche et moi", c’est de la politesse de base, quand même.
- C’est pas MA bouche.
- Ah ouais, elle est à qui ?
- A une fille qui s’appelle Pauline. Une ado.
- Ah si c’est une ado, je comprends mieux… La politesse, le respect tout ça, ils sont imperméables.
- Oui, mais bon, sa bouche, c’est une partie d’elle, c’est elle qui la commande, donc elle peut bien la mettre après « moi ».
- Ce n’est pas une raison valable. C’est pas parce que sa bouche lui appartient qu’elle ne doit pas être respectueuse envers elle. Au contraire même…
- Oui, sauf que là, elle est dans le coma, la fille.
- Aaaaah… ?
- Et d’ailleurs, la bouche en question, elle ne lui obéit même plus. Je ne vois pas pourquoi elle devrait lui faire des salamalecs…
- Elle est fâchée avec sa bouche ?
- C’est à cause du cerveau, il n’arrive plus à donner des ordres à sa bouche, à cause d’un accident de scooter.
- Son cerveau a eu un accident de scooter ?
- En quelque sorte, oui.
- Putain, c’est gore, ton histoire !
- Non pas du tout, c’est même parfois assez drôle. Et puis ça pose plein de questions hyper intéressantes, sur la neurologie et tout ça, les émotions et la mécanique du corps… Tiens, tu sais, toi, pourquoi tes yeux pleurent quand tu ressens de la tristesse ?
- Non.
- En fait, je crois que personne ne sait. Mais ce doit être la même raison pour laquelle tes mains applaudissent quand tu as beaucoup aimé une pièce de théâtre…


Moi et ma bouche, de Denis Lachaud, Actes-Sud Papiers, 10,50€

Ce texte, écrit au départ pour France Culture, a été mis en scène en octobre 2008 par Jean-Philippe Naas, à l’Arche de Béthoncourt (Doubs). La pièce est actuellement en tournée en France. Si elle est à la hauteur du texte, vous pouvez ordonner à vos jambes de vous y emmener.

1 commentaire:

Alice Brière-Haquet a dit…

Wahou ! ça a l'air drôlement fort ce truc...